TEMOIGNAGES
Ces
manifestations du
souvenir sont
propices aux
recueillements de
témoignages émus,
humbles. Parmi
ceux-ci, les récits
de deux Sétois bien
connus, rescapés du
dernier convoi pour
Dachau : Damien
Macone (chevalier de
la Légion d'honneur,
médaille militaire,
Croix de guerre avec
palmes et Damien
Nardone (médaille
militaire, chevalier
de l'Ordre national
du mérite, Croix de
guerre avec palmes,
médaille de la
France libre).
Qui
n'a pas croisé un
jour Damien Macone,
arborant élégamment
la croix de Lorraine
sur sa cravate et
son feutre ! Engagé
comme volontaire
dans la Marine le 18
août 1942 à Toulon,
il a embarqué sur le
bâtiment de ligne "
Le Strasbourg ".
Suite au sabordage
de la flotte de
Toulon, il fut
démobilisé pour 90
jours. Il en a
profité pour adhérer
à l'organisation "
Combat " à Sète le
1er janvier 1943 où
il remplissait les
fonctions de chef de
section chargé du
sabotage. Répondant
aux instructions de
ses chefs, il a
préparé, organisé,
exécuté nombre
attentats à
l'explosif contre
des ouvrages afin de
contrer l'ennemi. Il
confie : " Dénoncé,
j'ai été arrêté le
27 janvier 1944 ,
ainsi que mes chefs,
par la brigade de
l'ex intendant de
police Marty,
surnommée "la
brigade sanglante ".
Et Damien Macone, de
raconter,
pudiquement,
souffrances et
tortures,
ineffaçables : " Entièrement
nu, poignets et
chevilles
menottés, j'ai été
torturé : coups de
poing, de
matraque, de
ceinturon, machine
électrique… Je
porte encore les
cicatrices de mon
crâne ouvert, de
mes brûlures sur
le corps, sur le
sexe. "
Catalogué
comme " bandit très
dangereux, évasion à
craindre ", il fut
transféré, enchaîné
et sous bonne
escorte, de la
maison d'arrêt de
Montpellier à la
prison Saint Michel
à Toulouse où il
rencontra, un mois
ou deux plus tard,
un Sétois, Damien
Nardone, arrêté dans
les environs d'Albi
par des gendarmes
français.
Avant
d'entrer dans la
prison, Damien
Macone interpella le
chef des gendarmes :
" Vous
faîtes un bon
travail de
Français. Regardez
à qui vous nous
livrez ! et de
souligner : le
gendarme s'est tu,
il était livide ".
La prison était
également peuplée de
punaises, puces,
poux, agissant en
toute liberté, eux.
La gale était au
rendez-vous et le
savon inexistant. Le
menu des détenus se
résumaient à deux
gamelles de soupe
aux trognons de
choux par jour. Non
sans humour, Damien
Macone souligne : " Cette
soupe devait être
faîte une fois par
semaine car
souvent elle était
souvent aigre et
nous y trouvions
des vers. "
Un
beau jour, un garde
fit part aux détenus
que les alliés ayant
débarqué en
Normandie, les
prisonniers allaient
rallier l'Allemagne.
A
la fin de son
adolescence,
Damien Nardone a
combattu l'occupant
au sein du mouvement
" Combat ". Il fut
préposé à la
diffusion des
tracts, à
l'exécution des
sabotages et à la
réception d'armes.
Début 1944, après
l'arrestation de son
chef de groupe et de
plusieurs de ses
compagnons, il
laisse Sète pour se
cacher à
Montpellier,
échappant de
justesse à la milice
française. Son père,
Nicolas Nardone est
arrêté à sa place et
déporté à
Buchenwald.
Damien
Nardone rejoint
alors le maquis de "
L'Aiguoual Cévennes
" près de
Vallerauques. En
février 1944, blessé
lors d'un combat et
caché dans une
grotte, il fut
soigné et ravitaillé
par les habitants du
" pays ". A nouveau
sur pied, il tente
de rejoindre le
maquis de " La
montagne noire "
mais il est arrêté à
Carmeaux puis
incarcéré à Albi et
à la prison Saint
Michel de Toulouse.
Le
2 juillet 1944, les
prisonniers de la
prison Saint Michel
furent
officiellement remis
aux Allemands par
l'Etat français et
embarqués dans des
wagons à bestiaux.
En partance pour
Dachau. Beaucoup de
ces deux mille
embarqués ne
revinrent pas.
Et
ces deux
résistants de
raconter leur
périple dans ce
foutu train, plein à
ras bord de
résistants français,
de républicains
espagnols, tous plus
mal en point les uns
que les autres.
D'emblée, Damien
Macone le baptisa de
" train fantôme ".
Cahin caha, le train
cheminait vers sa
destination en
faisant des détours
incroyables et des
poses interminables
grâce aux efforts de
la Résistance qui
sabordaient les
voies pour que le
convoi n'arrive pas.
Là encore la
nourriture était en
accord avec le reste
: " gamelle
d'eau chaude où
nageaient deux ou
trois haricots ou
une feuille de
chou une fois par
jour ; en fait
l'eau de cuisson
de la nourriture
des Allemands "
commente Damien
Macone.
Damien
Nardone raconte :
" L'itinéraire
fut des plus
variés :
Angoulême,
Bordeaux, Nîmes… "
Il poursuit : " Alors
que le Rhône était
infranchissable,
que les alliés
avançaient à moins
de 80 km, derrière
eux les Allemands
refusaient
d'abandonner leur
mission. Ils nous
ont fait descendre
des wagons pour
nous faire
traverser le Rhône
à pied sur un pont
partiellement
détruit. Cette
marche forcée, de
20 km, nous amena
à Sorgues où un
autre train fut
constitué.
".
Pour
les deux Damien,
avec d'autres
camarades, s'évader
était le maître mot.
C'est pendant la
constitution du
nouveau convoi, dans
la nuit du 20 au 21
août 1944, que les
compères ont découpé
le plancher de leur
" compartiment ",
réussissant à
déboulonner deux
planches.
Vers
deux ou trois heures
du matin, le train
reprit sa " route "
à 30 km/h. Les
candidats à
l'évasion ont
immédiatement
soulevé les planches
pré-découpées et… "
plongé " vers la
liberté du côté de
Montélimar. Là
encore, la
population aida ces
hommes en les
cachant, les
soignant, les
nourrissant, leur
permettant de se
laver, partageant
même un peu
d'argent. Damien
Macone explique : " si
ce 21 août, je ne
m'était pas évadé,
je ne serai jamais
revenu. Notre
volonté, notre
ténacité à vouloir
nous évader ont
permis à d'autres
déportés de sauver
leur vie en
passant par cette
ouverture, car, de
ce convoi, très
peu en sont
revenus. "
Pour lui, les suites
de la guerre sont
marquées par la
maladie avec 24
opérations, dont la
perte d'un rein des
suite aux torures.
Pendant des mois,
son estomac de
digéra plus rien. En
1952, il pesait 51
kg pour 1,74 m.
Damien Macone a été
contraint de cesser
son activité à la
Mobil Oil bien avant
l'âge de la
retraite.
Quant
à Damien Nardone,
tout de suite après
son s'évaion, il
s'est engagé au 3e
bataillon régional
de sécurité d'où il
fut réformé pour ses
blessures de
guerrre. Il a
rejoint Sète en
janvier 1945 où,
depuis, il continue
le combat avec ses
camarades de la
Fédération nationale
des déportés,
internés et
résistants
patriotes.
KATY
GOSSELIN
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